Article du Bulletin N° 34
En 2000, les gestionnaires du port de l’Herbaudière, la CCI de la Vendée et la SA du Port de Plaisance avaient demandé l’autorisation de dévaser le port de l’Herbaudière : ils souhaitaient obtenir le droit, pendant 10 ans, de rejeter 97 000 m3 de vases écotoxiques et fortement chargées en métaux lourds, sur l’estran, près de la plage de Luzan.
Après deux enquêtes publiques successives au cours desquelles les associations “Vivre l’île 12 sur 12 “ et “Protection du site de Luzan” étaient vigoureusement intervenues, le Préfet de la Vendée, par arrêté du 31 décembre 2001, avait autorisé les gestionnaires à rejeter les vases chargées en métaux lourds près de l’îlot du Pilier, à l’entrée de la Baie de Bourgneuf, et les vases écotoxiques sous le niveau de la mer, à marée descendante et ce pendant seulement trois ans.
C’était déjà un progrès considérable par rapport au dragage de 1994 où TOUT AVAIT ÉTÉ REJETÉ EN CONTINU SUR L’ESTRAN.
Cette autorisation courait à partir de 1 octobre 2002, les travaux devant s’arrêter, selon leur nature, le 28 février ou le 30 mars.
Jugeant les progrès insuffisants “Vivre l’île 12 sur 12” avait attaqué ce décret préfectoral devant le Tribunal Administratif aux motifs de :
– irrégularités au cours de l’enquête publique,
– insuffisances de l’étude d’impact,
– absence d’études techniques et financières de solutions alternatives plus performantes.
Comme les travaux allaient commencer et que le jugement n’était toujours pas prononcé, fin 2002, nous déposions un nouveau recours destiné à suspendre l’application de cet arrêté , c’est à dire à suspendre les travaux.
Le Commissaire du Gouvernement ne retenait pas nos arguments au motif qu’une opération de dragage n’était qu’une banale opération d’entretien et ne méritait pas d’étude d’impact (sic). Le juge suivait cet avis et rejetait notre demande.
Nous en étions là : des progrès importants avaient été faits mais nous tenions quand même à soutenir les ostréiculteurs de la Baie de Bourgneuf qui eux refusent tout rejet en mer.
Entre temps un différent opposaient les deux gestionnaires (SA du port de plaisance et Chambre de Commerce et d’Industrie de la Vendée) sur les conditions de l’appel d’offres. La SA du port de plaisance très fâchée décidait de reprendre son autonomie : elle ferait Son dévasage avec Son entreprise et selon Ses modalités tout en respectant les contraintes de l’arrêté préfectoral.
Reprenant finalement une méthode qui avait été rejetée lors des enquêtes publiques parce que soit disant irréaliste et trop coûteuse, ils décident de draguer mécaniquement par pelleteuse le port de plaisance et de tout rejeter (sédiments très pollués et sédiments moins pollués) au large de l’île du Pilier à l’entrée de la Baie de Bourgneuf. “Vivre l’île 12 sur 12” est associée à un comité de suivi et invitée aux réunions de chantier.
Une société de Marennes( EURL M.U.T.P.) se charge de draguer 42 000 m3 de vases (30 000 cete année, le reste début 2004). Une pelleteuse avec un godet de 200 l, installée sur un ponton, racle le fond et charge un chaland porteur de 300 m3 utiles. Une fois plein, le chaland, quitte le port pour arriver sur le lieu d’immersion à marée descendante, là le fond du chaland s’ouvre et le chargement est “clapé”.
La valeur du marché est de 259 163 € HT soit 6,17 € par m3 clapé;
Les travaux ont débuté le 15 janvier 2003. Le 14 février, le chantier a pris du retard, la vase est plus liquide que prévu et seuls 2900 m3 sont extraits.
Pendant ce temps la CCI prenait du retard. Les pêcheurs de l’Herbaudière commençaient à se demander si “leur” port n’allait pas être oublié. Finalement, après mise au point du marché entre décembre 2002 et janvier 2003, la CCI se ralliait finalement à la technique utilisée par le port de plaisance (dragage mécanique par pelleteuse et rejet près de l’îlot du Pilier). Le marché était notifié le 9 janvier 2003 aux entreprises “ÉCOSYSTÈMES de dragage” et EMC. Les travaux ont commencé le 13 février, et devraient être terminés cette année.
Le volume à évacuer est de 60 000 m3. Deux chalands sont utilisés simultanément :
– le chaland 1 est équipé d’une grue à flèche munie d’une benne preneuse, compte tenu de son instabilité il ne sortira vraisemblablement pas du port,
– le chaland 2 fait des rotations pour effectuer les clapages en mer.
Les vases contenues dans la benne sont chargées soit directement dans le chaland 2 soit dans le chaland 1 avant d’être transvasée dans le chaland 2 quand celui-ci revient d’une rotation.
La valeur du marché est de 722 760€ HT soit environ 12,05 € par m3 clapé.
PLUS DE REJET À LA CÔTE.
Les vases contaminées du port de l’Herbaudière ne seront pas rejetées sur l’estran à la pointe de l’Herbaudière.
Pour arriver à ce résultat il aura fallu que pendant 10 années (1993-2003) deux associations de défense de l’environnement : “Vivre l’île 12 sur 12” et “Protection du site de Luzan” exercent une pression soutenue dans une atmosphère très conflictuelle.
Depuis 1993 de nombreux recours devant le Tribunal Administratif de Nantes et devant le Conseil d’État ont été déposés (dans le domaine juridique nous n’avons enregistré qu’un seul échec). Nous avons vigoureusement participé à deux enquêtes publiques, nous avons fait d’innombrables interventions auprès des représentants de l’État et des collectivités, nous avons sollicité des associations nationales et internationales, les autorités européennes, des médias locaux et nationaux ont relayé nos appels. Nous sommes arrivés partiellement à nos fins : l’estran de l’île ne sera plus souillé par les toxiques, le rejet des vases près de l’îlot du Pilier représente un compromis raisonnable dans la mesure où des techniques plus performantes n’ont pas été prises en considération.
Maintenant il faut profiter de cette expérience, pensons dès à présent aux prochains dévasages : il faut supprimer l’usage d’antifouling à la toxicité incontrôlable, il faut contrôler les rejets dans les ports, il faut traiter les effluents lors des carénages et des travaux d’entretien, il faut trouver d’autres solutions aux rejets systématiques en mer… Les dernières catastrophes écologiques provoquées par les naufrages de pétroliers soulignent le fait que la mer ne peut impunément continuer à être une poubelle.
Avant de médiatiser à outrance des gestes politiques jusqu’à ce jour peu efficaces, commençons donc par balayer devant notre porte, il y a de quoi faire.