Article du Bulletin N° 27
L’île de Noirmoutier possède d’importantes étendues dunaires ; à cause surtout de l’extension des agglomérations et de la plantation des pins maritimes, les dunes ont subi diverses transformations au fil du temps. Une vaste zone non modifiée persistait à la fin des années 60 entre Barbâtre et la Guérinière, mais l’urbanisation l’a sérieusement amputée des deux côtés. La partie qui reste actuellement entre les lotissements du Midi et du village de La Tresson s’étend sur moins d’un kilomètre et demi en front de mer, un kilomètre en bordure de la quatre voies, avec une profondeur variant entre 500 et 700 m.
Certains secteurs de ces dunes avaient été autrefois cultivés et l’on note par place des restes de vigne. Mais la végétation naturelle a peu à peu reconquis ces espaces. Une petite zone côté Barbâtre qui avait été déboisée vers 1760 a été reboisée en 1896.
L’arrière des dunes avec en particulier les zones humides qui devaient s’y trouver, a été totalement supprimé, puisque la route longe le site. De nouvelles zones humides se sont installées aux endroits où ont été faites d’importantes extractions de sable lors de la construction de la “quatre voies”.
Pendant la dernière guerre, des dommages ont été causés par la construction de plusieurs blockhaus, les uns à l’intérieur de la dune, les autres côté mer. Ces derniers reposent maintenant sur la grève, témoignant du recul de la côte.
IMPORTANCE DU MASSIF DUNAIRE : le massif dunaire de La Tresson constitue actuellement un des pivots de la protection de l’île de Noirmoutier contre l’érosion marine. La grande flèche sableuse qui part du Sud de La Guérinière pour aboutir à la pointe de La Fosse forme un bastion essentiel de la défense de l’île. Si les apports sédimentaires ne viennent pas compenser ce que la mer prend par érosion le corps de la flèche va devenir de plus en plus fragile.
De plus, ce massif abrite un site botanique tout à fait remarquable, avec une importante richesse floristique (trois plantes protégées sur le plan national sont présentes : l’oeillet des dunes, le saule des dunes et surtout l’omphalodes littoralis) et une bonne variété de milieux.
LA DUNE BORDIÈRE : c’est le meilleur des remparts contre l’érosion marine et c’est une source de sable pour la plage dans le cadre des échanges saisonniers qui s’effectuent entre la dune et la plage. Cette dune se présente sous la forme d’un long bourrelet sableux, étroit (10 à 15 m) et relativement haut (10 à 12 m). Ce bourrelet est constitué d’un corps interne bien consolidé et d’une enveloppe de sable meuble.
On peut, pour faciliter sa présentation, y distinguer trois parties, ces trois parties étant bien sûr interdépendantes.
1. le front dunaire : à vif, d’une trentaine de degrés de pente, sa topographie est le résultat de l’attaque de la mer et des éboulements à partir du sommet.
Ce front dunaire est en érosion du fait des tempêtes. Les casemates allemandes témoignent du recul de la côte.
L’abrupt créé par les vagues évolue lentement par “éboulisation” jusqu’à ce que la pente atteigne environ 30 ° et retrouve son équilibre. Cet abrupt change de forme si des apports sableux provenant de la plage s’accumulent à son pied.
2. La ligne de crête : crénelée, ce qui témoigne de sa dégradation. Les passages piétons répétés en certains endroits empêchent la végétation de pousser et ainsi accélèrent l’érosion éolienne. Le sable est progressivement emporté vers l’intérieur, la dépression initiale se creuse, s’élargit à cause des tourbillons qui se créent. On trouve ainsi tout une série de “sifflets” d’érosion éolienne qui fragilisent la dune bordière.
3. Le flan interne de la dune : on trouve d’abord un plan bosselé tenu par des touffes d’oyats qui s’abaisse vers la dépression interne, puis des glacis sableux plus ou moins larges. Ces nappes de sable fin en transit proviennent du sommet de la dune ;elles sont facilement colonisables par la végétation en hiver et surtout au printemps.
Le rôle de ces glacis sableux est essentiel quand on veut stabiliser la dune.
LE MASSIF DUNAIRE INTERNE : c’est l’ensemble le plus étendu, celui aux dépens duquel les “bâtisseurs” de tout poil rêvent de s’attaquer.
On n’y retrouve plus trace d’une organisation dunaire naturelle par contre on y décèle les résultats des extractions de sable et de la fréquentation touristique.
Le massif est maintenant constitué d’amas sableux couverts d’un tapis continu de plantes rases et d’herbes ou encore protégé par des bosquets d’arbres.
L’ensemble est fortement dégradé par les nombreuses pistes ouvertes par les véhicules tous terrains et par les multiples chemins créés par les promemeurs qui se rendent à la plage. Ces chemins découpent de place en place des créneaux dans la ligne de crête et accélèrent le dégradation de la dune.
L’ÉVOLUTION DU MASSIF DUNAIRE : en 1990, le bilan des quarante dernières années indiquait un recul très net du front océanique de la dune bordière. La dégradation cantonnée d’abord sur ce front avait gagné le flanc interne et parallèlement les dunes mortes de l’intérieur. L’érosion éolienne avait relayé efficacement l’attaque des houles. Le milieu était désormais modifié et en état de très net déséquilibre. Les causes étaient connues. elles provenaient de la pression touristique croissante dans ces milieux naturels très sensibles mais également très attractifs. Le statut juridique des dunes, propriété ouverte au public expliquait évidemment le regrettable laisser aller que l’on ne pouvait que déplorer. La défense du cordon s’imposait déjà.
LES RÊVES DES “BÂTISSEURS DE L’AVENIR” : En 1975, lors des concertations préalables aux plans d’occupation des sols de La Guérinière et de Barbâtre, l’ensemble des dunes de La Tresson avaient été classé NA (c’est à dire constructibles). Immédiatement plusieurs plans d’aménagement avaient été imaginés pour couvrir les dunes d’un bâti touristique dense et continu.
Fort heureusement en 1983, le maire de la Guérinière faisait classer sa partie de dunes en L146.6 (inconstructible). La parade est montée rapidement : un golf ou mieux “un ensemble golfique” allait prendre place sur l’espace classé.
Nos aménageurs avaient trouvé la solution à tous les malheurs de la dune : les responsables n’adoptaient pas les moyens nécessaires pour sauver ce site tout à fait remarquable en revanche ils affirmaient sans rougir qu’une grande opération touristique serait le remède (définitif) à la dégradation des dunes.
C’est dans cet esprit que le Conseil général, à la suite des propositions des municipalités de Barbâtre et La Guérinière demandait au Préfet de signer un arrêté (1984) créant une ZAD (zone d’aménagement différé à vocation touristique) sur le secteur de La Tresson (88 ha).
En 1986 le projet d’acquisition des terrains nécessaires était approuvé et l’opération déclarée d’utilité publique sans même attendre les études de rentabilité ou de faisabilité. Les propriétaires étaient contraints de vendre leurs terres ou d’être expropriés. En cas d’échec de l’opération, les communes s’engageaient à racheter ces terrains au bout de quatorze années.
Fin 1989, 45 ha étaient déjà acquis par le département dans le cadre de la politique foncière en faveur des ZAD. Le programme d’aménagement prévu comprenait :
– un centre de thalassothérapie,
– un hôtel restaurant et des hébergements de tourisme,
– un centre aquarécréatif ;
le tout sur 31 000 m2
et enfin un golf touristique 18 trous sur 60 ha.
Pour faire bonne mesure on y ajoutait 20 000 m2 de parking et il n’y avait plus de souci à se faire pour les dunes de La Tresson puisque, sans rire, la Convention du pôle touristique prévoyait à la faveur de ce projet “de veiller à la préservation du caractère naturel de l’île et de mettre en valeur son environnement”.
Inutile d’ajouter que les collectivités locales applaudissaient, Monsieur Oudin, alors président du SIVOM, avait enfin trouvé un projet à la mesure de ses ambitions. Il y avait bien une association de défense de l’environnement encore toute jeune qui posait des questions idiotes mais on allait balayer tout ça.
L’ENTRETIEN INDISPENSABLE : à l’occasion de ce brillant projet une étude du massif avait été entreprise, elle concluait à la nécessité :
– de contrôler les flux de touristes vers la plage et à travers le massif,
– de protéger la crête dunaire et de consolider les brèches existantes à l’aide de ganivelles ou de filets, puis de végétation,
– de maîtriser l’évolution du trait de côte en favorisant le maintien et l’arrivée des sables depuis la plage et pour cela de gérer ce trait de côte depuis le Matois (camping de La Guérinière). L’étude proposait d’utiliser des épis “intelligents” avec lesquels on peut gérer la migration du sable en diminuant sa hauteur.
Cette étude a 10 ans et les dunes de La Tresson ont continué à se dégrader. Pourquoi n’intéressent-elles pas les élus ?
SUITE DE L’HISTOIRE 14 ANS PLUS TARD : La belle et fructueuse opération immobilière sur les dunes ne s’est pas réalisée. La loi littoral s’est appliquée en 1990 sur les terrains de la commune de La Guérinière qui sont devenus espaces à protéger et, en 1998, “Vivre l’île 12 sur 12 “ faisait annuler le POS de Barbâtre “pour maintien en zone constructible des dunes de La Tresson”.
Le département se retrouvait alors propriétaire de terrains qu’il avait achetés fort cher (terrains constructibles) et qu’il ne pouvait plus urbaniser. Heureusement pour lui, une clause prévoyait que les communes devaient les racheter. Aussi, l’année dernière, le département demandait aux communes de reprendre les dunes.
C’est ainsi que le district et les communes de Barbâtre et La Guérinière se voyaient proposer de racheter 45 ha de terrains non constructibles pour la modique somme de 25, 43 MF (somme équivalente au prix d’achat).
L’humeur de Monsieur le Sénateur qui avait été le promoteur de cette opération était morose, les maires commençaient à s’affoler, tout ce beau monde cherchait désespérément à sortir de ce pétrin.
LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL : (voir page 8) Heureusement l’État, d’habitude tant décrié par nos élus, pouvait apporter une solution. Le Conservatoire du littoral peut en effet accepter d’acquérir des propriétés de collectivités locales si les terrains sont rendus inconstructibles et si le produit de la vente est réinvesti dans la gestion.
Sollicitée en désespoir de cause, la Présidente du Conservatoire précisait au Président du District : “je serais disposée à proposer cette acquisition au Conseil d’administration, dès lors que les collectivités réinvestiraient dans la restauration, l’aménagement et la gestion des sites du Conservatoire dans l’île, des moyens financiers au moins égaux au coût de cette acquisition”.
Monsieur Oudin interprétait immédiatement cette condition ainsi : “ si l’opération de rachat par le Conservatoire est conclue, les communes pourront solliciter le Département pour qu’il réaffecte le produit à d’AUTRES aménagements à vocation naturelle dans l’île” (donnez-moi l’argent, je m’en occupe).
AUJOURD’HUI : la dégradation s’ accélère, cet hiver les brèches dans la crête dunaire sont impressionnantes, les enrochements réalisés selon la doctrine de défense contre la mer en cours vont encore diminuer le transit littoral du sable et contribuer à l’amaigrissent du pied de dune.
Une fois que le Conservatoire du littoral aura débarrassé les élus du problème foncier, il va falloir leur mettre l’épée dans les reins pour qu’ils investissent dans l’entretien de terrains qui ne leur appartiennent plus.
Amis de “Vivre l’île 12 sur 12” nous n’avons pas fini de nous battre.